Le blog de l'Enfer
De la ville au bocage : Un parcours guidé par des convictions
À l’âge de 18 ans je décide de me consacrer à une vie rurale, en recherche de solutions pour réenchanter le rapport entre l’Homme « moderne » et son milieu.
De stages en élevage de chèvres, de vaches ou de moutons, de BTS en école d’agroécologie, du Sénégal à l’Australie, il m’aura fallu 8 ans de formations de toutes sortes pour passer de la prise de conscience à l’action de terrain.
Après deux expériences de vie dans le Sancerrois et le Vannetais, à l’âge de 50 ans je m’installe pour la troisième fois sur un domaine agricole : La ferme de l’Enfer.
Le 21 novembre 2013
Nantaise est une vache Aubrac qui vit depuis 2 ans sur la ferme de l’Enfer avec ses copines…
Non, plutôt ses congénères, pas ses copines. En effet, la nature ne dérogeant pas à ses lois, dans tous les troupeaux il existe une hiérarchie selon laquelle chaque individu occupe une place précise. Celle-ci résulte d’un rapport de force permanent, mesuré chaque jour, que ce soit à l’auge, au ruisseau, face à un passage étroit, une place à l’ombre, au sec, au chaud etc.
Nantaise fut baptisée ainsi par son éleveur, car de toutes les aubrac de l’Enfer, elle possède une tête un peu atypique qui rappelle à ce gaillard émigré de l’Ouest une noble race menacée qu’il avait un moment fomenté d’adopter, la vache Nantaise, c’était sur une petite île enjôleuse du Golfe du Morbihan.
La belle Nantaise n’a pas de chance diraient les humains, dont bon nombre s’efforcent de lutter contre les injustices que la vie ne manque jamais de faire ressentir à ceux qui maîtrisent le Verbe. Nantaise est la plus bas placée dans la hiérarchie du troupeau de vaches de la ferme. Allez savoir pourquoi : elle est belle, solide, débrouillarde et gentille, ou bonne…oui, bonne… bonnasse ? Tiens donc, c’est peut-être pour cela que les autres la maltraitent. Il arrive qu’on observe ce genre de comportement dans les cours de récréation de ceux, de tous âges, qui savent tout.
Oui, alors que d’autres n’hésitent pas à baisser la tête, cornes en avant, quand elles estiment que l’on empiète sur leur espace de liberté, Nantaise, elle, la détourne, sa tête. Elle la détourne, puis la retourne, comme pour signifier : « là, je m’incline ; est-ce suffisant ou faut-il que je me retire ? » et s’il le faut, si l’on persiste, elle s’en va, naturellement, car il en est ainsi.
Or, si les vaches lui ont depuis longtemps déjà signifié à quelle place elle pouvait humblement prétendre, l’éleveur, lui, ne l’entend pas de la sorte. Chaque jour ou presque, il pose son outil, quitte l’atmosphère poussiéreuse du chantier et profite de son devoir de surveillance pour aller faire un tour au grand air dans les prés. Et là… il observe, il surveille, il veille…. Et il apprend. Il apprend son nouveau métier, certes, mais il apprend surtout la nature, la vie, et cet apprentissage le comble d’autant qu’il lui réserve parfois de menues mais si intéressantes surprises.
Nantaise, nous l’évoquions, a fière allure. Outre sa robe grège, ses cornes fines et ses yeux mystérieux juste propres à séduire les pauvres esthètes sentimentaux, sa ligne de dos est bien droite, ses aplombs solides, l’attache de la queue, haute. Si l’on ajoute à cela qu’elle sait se tenir « en état », c'est-à-dire, sans maigrir outre mesure au rythme des saisons, voici autant de critères qui la qualifient, dans le jargon paysan, de « bonne bête ».
Alors, pour son éleveur attentif, lequel, aussi néophyte soit-il, n’en collectionne pas moins de nombreux mois sur les bancs des écoles d’agriculture, se pose une question : Par quel paraphénomène pouvons-nous expliquer qu’une vache perpétuellement mise au ban de son groupe, c'est-à-dire, tenue à l’écart du meilleur fourrage quand l’hiver fait rage, soit toujours en pleine forme ?... C’est là que la petite promenade quotidienne du bipède gestionnaire se révèle plus subtilement utile qu’il n‘y paraitrait : Plutôt en marge de ses congénères, Nantaise glane, picore, prélève… homéopathiquement, certes… mais inlassablement. Combien de fois effectivement, par des jours bien sombres, ne l’a-t-il pas surprise en train de soustraire, une à une de leur agressive ramure, des feuilles de ronce. Elle y met autant de ferveur que de délicatesse, et c’est plaisir que de la contempler. Doublement.
Primo, la ronce ne figure pas parmi les meilleurs amis du classique paysan herbager : dotée d’une surprenante capacité à étendre ses bras tentaculaires, elle ne s’entend qu’à regagner du terrain sur la médiévale conquête des essarteurs, âprement défendue jusqu’à nos jours par des générations de Jacques, ces paysans fiers de l’être qui ont forgé nos paysages.
Secundo, car au sein du monde éclairé de l’herboristerie, chacun sait les vertus de cette liane malmenée des pulvérisateurs. Passons sur cette impressionnante liste aux accents thérapeutiques …et dont notre Nantaise, pour toute benête qu’elle passât, tire vraisemblablement le plus grand bénéfice ! Bien entendu il échappe à la vigilance de l’éleveur que la ronce ne figurât pas seule au tableau de cette providentielle manne : La ronce… et tant d’autres ? Quoiqu’il en soit, il semble bien que l’on tienne là les clefs de l’énigme : Cette vache se tient en forme par tous les temps et en dépit du discrédit dont elle est la victime, car mieux que toute autre elle sait trouver dans son biotope des aliments à peine considérés comme tels. A savoir : les reliquats de foin consentis par ses sœurs dominantes, lesquels lui remplissent malgré tout la panse, ainsi qu’une panoplie de « simples », ces vertueuses plantes dont l’usage fait primer la qualité à la quantité : ronce, chardon, ortie, noisetier, frêne, prunelier, aubépine, autant d’espèces qui sont l’apanage du bocage… des alicaments, pour reprendre un terme en vogue dans le milieu nutritionniste de ceux qui savent énormément.
En cela, Nantaise porte haut une des qualités faisant la réputation de sa race : la « rusticité ». D’une part, elle témoigne d’une relative autonomie alimentaire qui affranchit l’éleveur de dépenses fourragères et soucis sanitaires pénalisants, et de surcroit, elle sait trouver seule des végétaux pour le plus grand bénéfice de ses produits…
Epilogue du 25 août 2021 : Cette histoire que j’ai écrite voici 8 ans déjà, je ne l’ai jamais terminée. Nantaise a fait son 1er veau au bord de l’étang, seule, nous étions le 24 décembre 2013 exactement, alors que je fêtais Noel en famille dans le Nord. J’ai plus tard décidé de prendre la plume, car entre elle et son veau un lien maternel étroit s’était bâti… puis, que j’avais « oublié » de faire partir se dernier en boucherie à l’âge habituel de 8 mois… et que, quand je finis par le faire quand ce dernier en avait 13… Nantaise se mit à maigrir… tant et plus que je suis convaincu que c’est la disparition de son veau, pourtant alors grand « adolescent », qui par chagrin, lui a ôté une part de son énergie vitale.
Alors, conscient que ce type de narration n’ira que fourbir les arguments des vegans, je précise que cet exemple fut le seul que j’aie vécu en 10 ans. Quoiqu’il en soit, Nantaise m’a enseigné que nos animaux, surtout ceux qui sont issus de races anciennes préservées, non élevées pour leur unique propension à produire, ne sont pas si « bêtes » que nous l’entendons.
Un copain qui m’aide au transport d’animaux, lui-même éleveur de vaches Charolaises, me fait souvent la réflexion : « Quel caractère, tes bêtes !!! » Oui, elles sont d’une race ancienne, elles pâturent un grand espace particulièrement riche en diversité végétale… ne sont pas complémentées en divers produits industriels… Elles sont nature !
Christophe Wagner a acquis, il y a 5 ans, une ferme en mauvais état. Sur un coup de cœur, ce « Chti » a choisi la ferme de « l'Enfer » (en-fer, dont le minerai fut extrait autrefois, dixit le botaniste Gérard Ducerf qui a beaucoup herborisé en ce lieu pourvoyeur de plantes rares). L'éleveur ne regrette pas son implantation dans ce vallon : une biodiversité préservée, des herbes introuvables ailleurs, de l’eau en quantité. Christophe est un «bosseur» : il a retroussé ses manche pour restaurer la ferme où il élève une quinzaine de vaches Aubrac nourries exclusivement à l'herbe et au foin. Sa production étant certifiée bio, sans désherbant chimique, il était préoccupé par l’état d’abandon des prairies. Notre homme souhaitant contribuer à la sauvegarde d'espèces menacées (comme il l'a déjà fait dans le Morbihan avec la vache Bretonne Pie Noir), il a choisi d’élever quelques chèvres de la race dite du Massif Central, qui a failli disparaître dans les années 80. Rustique, adaptée au parcours en terrain difficile, l’animal possède de la bourre sous le poil et peut, de ce fait, supporter de forts écarts climatiques. Chaque année, l’éleveur emprunte un nouveau bouc de qualité pour améliorer la génétique. Après cinq générations en croisement d’absorption, le troupeau sera considéré de race pure. Sonnailles au collier, les chèvres circulent en liberté, le jardin et la cour de la ferme étant protégés. Si les « biques » lui permettent de produire quelques fromages « pur chèvre », Christophe profite également de leur aptitude à débroussailler. Elles participent efficacement à la suppression progressive des ronces, genêts, orties et autre prunelliers. Le paysan complète le travail, suivant son humeur, soit à la faux, au « goillard » ou à l’aide d’engins mécaniques. Sur les zones appauvries où la chaille (silex) affleure, suit un épandage épais mais localisé de fumier dont le compostage termine le travail : une herbe de qualité se réimplante, les vaches reviennent : le cycle de la prairie est rétabli. « Chèvres, vaches et bonhomme : en valorisant la synergie entre les compétences de ses habitants, la paysannerie redevient économe... respectueuse!»
Fabienne Croze
A l’aube des Trente Glorieuses, avec 4 fois plus de paysans qu’aujourd’hui, la ferme française était liée au sol, familiale et diversifiée. Fiable et autonome, ce système séculaire a pourtant failli disparaître. Or, la récente prise de conscience environnementale ayant promu l’agriculture bio et les circuits courts, l’on retrouve de petites structures agricoles qui cultivent avant tout la biodiversité... arrosée de système D. Chez nous en Sud Bourgogne, un bocage de prairies naturelles, un grand jardin potager et le poulailler verger. L’herbe et la haie nourrissent vaches et chèvres, lesquelles pratiquent un débroussaillage zéro carbone en tirant le meilleur parti des ronces, orties et autres prunelliers : Nos produits sont sains, ils ont du goût et sont économes en intrants. Le petit lait du fromage nourrit la basse-cour et le cochon, la volaille entretient le verger. La taille des haies fournit du bois et du BRF*, lequel on composte avec le fumier, pour les prés et le jardin. L’eau est captée à la source, chauffée en solaire et repart au pré au travers du filtre à roseaux. Le sous-sol chauffe la maison par géothermie. Bâtiments et aménagements d’élevage sont en bois, en pierre et couverts de tuiles d’occasion: matériaux locaux. Diversité, synergies, équilibre, recyclage, économie, respect de l’environnement: Alors, qui a inventé l’économie circulaire ?
*bois raméal fragmenté
Historiette vécue céans, ce jour:
3 ans déjà qu'au cours des belles soirées, aux abords de la ferme de l'Enfer, une stridulation aux accents exotiques attise ma curiosité. Je pensais à un crapaud... m'approchais à pas d'indien de cette source sonore qui sans cesse réitérait son défi envers l'esprit scientifique qui sournoisement hante mon tréfonds.
... de me jeter tel un tigre sur ces notes... et ne trouver qu'à me planter les doigts dans la terre....
une terre toujours humide et très humifère (1er indice)
...cette fois-ci, la nargueuse créature sévissait devant la porte du poulailler, là.... juste là, sous la gouttière du vieil appentis, où je verse la poubelle organique de
la cuisine.
... hier déjà, j'avais écarté les quelques débris en soupçonnant la découverte d'un malin amphibien en quête de quelque ver ou limaçon, lui-même alléché par la
manne potagère en dépôt... mais fi ! je rentrai bredouille.
...Or, ce-soir, armé d'une velléité particulièrement vindicative, convaincu de n'avoir perdu qu'une bataille, mais pas la...(cf manuels d'histoire), alors que j'allais "fermer les poules" derechef..........
à l'oreille je me suis approché du-dit son, à pas de loup, et en balançant doucement la tête de droite et de gauche, dans l'idée de mieux en localiser la
source...
En arrêt, tel un épagneul.., à portée de mains, j'étais sûr de pouvoir toucher l'animal, lequel, entendu la puissance de son chant, devait être plus que visible à
l’œil nu, même dans cette pénombre du couchant.
...........................et scrrrriiiiitch !!........et scrrraatch !!!....d'entailler l'humus de mes doigts assoiffés du naturaliste improvisé, humble successeur des augustes
Linné et autres Buffon.................. mais peut-être moins délicat dans mes faits et gestes, soit !
..............las................je ne remontais à mon visage douloureusement impatient
que ......des ongles imprésentables.
Mais....Mais ! (oui, bien sûr, il y a un MAIS, sinon ce ne serait pas une vraie histoire ),
ma petite fouille, quoiqu' apparemment vaine.....ne me laissait pas
inconsolablement bredouille....
Hé...hé...hé................
.....à pleines mains, j'avais trouvé...............du vide !
: une galerie... une petite galerie, certes, mais suffisamment grosse pour qu'à 21heures passées je la détecte et puisse, en invétéré conquérant, en suivre le chemin, ondulant à une poignée de centimètres de la surface du sol (2nd indice)...
... au ressenti, disons.... le diamètre de mon petit doigt (3ème indice, et pas des moindre, car il précise la taille du shmillblick, n'est-ce pas ?) ... alors adieu le soupçon du batracien romantique, avatar du prince que je rêvais d'être. Je vous l'avais dit, Watson !
Bon. Où en sommes nous ...
notre mélomane vit sous terre, comme la taupe,
il creuse des galeries, comme la taupe
il apprécie les terres riches, comme la taupe
car dans ces substrats des VERS il chassera, comme la taupe ! (3ème indice)
Aaaaah ...l'idée germe ............. vite ! : vérification par comparaison sur un autre paramètre, la bande son:
ce chant, cette stridulation puissante et linéaire, ne s'approche-t-elle pas de celle du grillon ?
...alors....le croisement entre une taupe et un grillon: TILT !!!
Cette fois la suspicion est à son comble........à l'instar de ma précipitation vers la maison. Direction le Web:
Le cœur palpitant, le souffle retenu du chercheur à l'aube de la lumière, je tape:
"chant de la courtilière"
et, les yeux humides, la main sur le cœur, je confirme:
https://www.youtube.com/watch?v=CxZzYA0JQa0
http://dico-sciences-animales.cirad.fr/liste-mots.php?fiche=7640&def=courtili%C3%A8re
Tof Darwingner, pour vous détendre simplement
Ron... ron...ron...
« Fini l’esclavage. Dans nos campagnes, plus d’animaux : pas plus de vaches que de moutons, de veaux que de chevaux s’égayant dans les prés... D’ailleurs, plus de prés. Fini les cages, adieu bocage. Fini le pissenlit, la mauve et l’achillée, l’odeur de la flouve à l’heure des foins, même plus de foin... Des champs, que des champs, encore des champs... et des alignements d’arbres signant l’avènement de l’agroforesterie. De rares abeilles ont le bourdon, encore les guêpes sur les fruits, les mouches dépriment. En se rapprochant du corps de ferme règne un silence d’un genre nouveau : fini le chant du coq, fini le cot-cot-codec accueillant l’œuf, ni de pigeon ni de dindon, ni de chat, ni de chien, finis câlins. Plus de canards dans la mare, même plus de mare : on l’a remplacée par une citerne, l’eau reste propre et sans moustiques. Plus d’étable ni de bergerie, plus de fumier, ni de son odeur, ni de son tas : bon débarras ! Fini le beurre sur ma tartine ?... euh... un p’tit morceau de Comté, une part de camemb... AÏE !!... scusez moi, j’ai rien dit... Que des pâtes, oui, mais sans les œufs, c’est fâcheux ; La choucroute, oui, mais dégarnie, ô monotonie. Ma salade est fade... Un si riche pan de ma vie a disparu : Le peu d’animaux restant « au titre de la biodiversité » a été remis à l’état sauvage. Lâchés dans des parcs établis sur les versants accidentés des massifs, ils ont vite été décimés par la rude loi de la jungle à laquelle, hormis quelques chevaux et autres chèvres naines, ils n’étaient plus adaptés depuis bientôt 100 siècles... »
... la vache, quel réveil ! Cloué sur le lit par cette canicule, le temps d’une sieste trop longue, j’émerge tout dégoulinant d’un bien triste songe où j’ai vraiment ressenti le blues... de la bouse ! Bon, c’est l’heure de la traite... Ouf, l’ai échappé bêêlle : encore un peu de répit... et vendredi, c’est le Martsi !
Nous avons vu que le bocage permet l’élevage de ruminants dans des conditions optimales de bien-être animal et de qualité des produits... mais pas que :
La naissance du bocage en Europe occidentale remonte au Moyen-Age : sans fil barbelé ni clôture électrique, la haie permettait de contenir le bétail et protéger les cultures. A cette époque et jusqu’au milieu du siècle dernier, la haie était essartée à l’aide d’un outil tranchant à manche (le « goyard » en patois brionnais) : tressée pour la rendre opaque au passage animal.
Mille ans plus tard, malgré sa destruction dans la plupart des campagnes françaises, le bocage subsiste encore dans certaines zones où domine l’élevage des ruminants, dont la nôtre : Le Brionnais.
Ses multiples avantages méritent qu’on y jette un œil... excusez du peu :
- L’enracinement profond des arbres permet de remonter en surface des substances minérales nutritives inaccessibles aux seules herbacées de nos cultures et prairies, lesquelles seront assimilées par nos végétaux, puis par l’animal, afin de nous fournir des aliments naturellement équilibrés.
- La haie bocagère joue un rôle primordial dans la régulation de l’hydrologie : Elle stoppe le ravinement lors de pluies brutales, les arbres pompent l’excès d’eau du sol et en restituent une partie sous forme de fraîcheur ombragée en période sèche.
- Le bocage permet d’atténuer les méfaits du vent : Une haie protège en longueur l’équivalent de 10 fois sa hauteur : 2,50m de haut protègent notre jardin sur 25m de large... du sec, du froid, de la verse. En l’occurrence, elle offre un abri pour les troupeaux qui ont la chance de bénéficier d’un élevage en plein-air.
- Le bocage constitue un extraordinaire réservoir de biodiversité : De l’infime champignon à l’oiseau et au mammifère, en passant par les vers, les insectes, les gastéropodes et autres batraciens, la haie fournit notamment quantité de prédateurs de nos prétendus « nuisibles », ces bébêtes qui gènent le paysan lorsqu’elle prolifèrent. Ce rôle de régulation est essentiel pour qui souhaite s’affranchir des produits « phyto » qui n’ont de « sanitaire » que le nom. Citons le renard, la buse et la chouette pour limiter la redoutable fertilité du campagnol terrestre (rat taupier).
- Les arbres fournissent du bois de chauffage, du BRF (Bois raméal fragmenté), des plaquettes, des fruits lorsqu’un sage s’est donné la peine de greffer, et de la feuille (En période de sécheresse, la feuille de frêne constitue un riche palliatif alimentaire pour le bétail amaigri)
- A l’instar de la forêt et de la prairie, la haie bocagère est un important piège à carbone. En tant que tel, elle contribue à contenir le réchauffement climatique.
- Enfin, le bocage a une utilité esthétique, une vertu paysagère : à mi-chemin entre l’écosystème de la steppe et celui de la forêt, il nous offre une multitude de lisières, ces zones frontières entre l’ombre et la lumière, le froid et le chaud, le connu et le mystérieux qui nous ravissent tant : Ecosystème symbole d’équilibre, non content de nourrir l’homme, il nourrit son âme.
- Alors que du temps des « 30 Glorieuses » qui ont massacré nos campagnes l’agriculteur était subventionné pour arracher ses haies, la tendance actuelle est à l’agroforesterie. Pardonnons-nous ces décennies d’égarement : « Faire et défaire, c’est toujours travailler, il n’est jamais trop tard pour bien (re)faire » !
Autant de raisons qui ont motivé le dossier d’inscription du bocage du Brionnais au patrimoine de l’Humanité par le truchement de l’UNESCO .... Gageons que d’ici une ou deux décennies, le Martsi ... aussi !
Les associations qui militent contre la production et la consommation intensives de viande ont coutume de donner ce chiffre éloquent : « pour produire un kilo de bœuf il faut 1300 litres d’eau »... Ok : En fait, ça dépend de quel bœuf on cause (d’abord, du vrai bœuf, on n’en trouve plus beaucoup). Le dit bœuf est en fait un taurillon de moins de 2 ans, engraissé au maïs US et au soja argentin, et élevé en feedlots (Parcs de terre battue, de tôle et de béton contenant des milliers, voire plus de 100000 individus)
L’eau nécessaire à cette production provient essentiellement de l’irrigation des cultures dont est issue l’alimentation de ces pauvres animaux, ainsi que de l’eau d’abreuvement qu’il faut puiser dans la nappe phréatique... toujours plus profond.
En outre, on comprend que la valeur nutritionnelle d’une telle viande n’est pas comparable à celle d’animaux ayant reçu une alimentation plus naturelle et diversifiée. L’on sait combien la vie sédentaire comporte de risques pour la santé humaine, combien il est recommandé aux personnes qui passent leur journée écran devant, fauteuil derrière et souris sur le côté, de faire de l’exercice et de fuir les fast-foods... pourquoi en serait-il autrement de nos vaches ?
Au sein du bocage, certains éleveurs s’y prennent un peu différemment : Leur bêtes sont nourries à l’herbe de prairie naturelle, point. De farines et autres intrants « spécial gonflette » : point... n’en trouverez. Du beau, du bon...du bio ! Ces animaux dégagent moins de méthane en pétant que l’équivalent carbone piégé par les prairies sur lesquelles ils paissent : Ils sont « carbo-négatifs ». Et pour ne rien gâcher, leur viande produite en cycle long (3ans) et commercialisée en circuit court, est plus riche en ces nutriments essentiels qui lui confèrent sa saveur particulière. Des vaches qui boivent dans de faillis « creux » (prononcer « crô » quand on fréquente le Martsi...), ou direct au ruisseau : Pour faire un kilo de ce bœuf, pardi, pas un litre d’eau puisée n’est nécessaire. Juste la pluie, du bon air, de la bonne herbe, pour notre bonheur... lequel, comme chacun sait, se trouve dans le pré ! Alors courons-y vite en attendant d’en savoir plus dans l’Aiguillon de juillet !
Les excès de notre modèle économique occidental mènent à une gabegie planétaire telle que les limites de nos ressources nous apparaissent chaque jour plus alarmantes. Face aux ultimatums répétés du corps scientifique, les consciences s’éveillent, se regroupent et appellent à la recherche de modèles sociaux plus pérennes. Au seul vu des courbes de population, des stocks en énergie fossile et de l’impact climatique des gaz à effets de serre, l’équation à résoudre semble de taille.
Sur le plan alimentaire, le modèle qui s’est imposé avec l’avènement de l’ère industrielle par les puissances coloniales est de plus en plus décrié : UNSUSTAINABLE. Au nom de quelle idéologie peut-on soutenir un système de production agricole au rendement négatif : Il faut plus d’une calorie
fossile pour produire une calorie alimentaire, alors que le fameux quatuor Terre-eau-air-soleil nourrit les êtres vivants depuis toujours ? Comment soutenir un système qui nécessite le transport par voie maritime d’une grande partie de l’alimentation de végétaux et d’animaux dénaturés ? Comment accepter une agriculture qui épuise les nappes phréatiques des 4 coins du globe ? Au nom de quels profits promouvoir une alimentation surprotéinée qui nuit tant à la santé, coûte tant à la collectivité ? Pourquoi nourrir des ruminants avec des céréales qui les fragilisent alors que ce grain ferait de bonnes galettes dans les millions de foyers où rôde la faim ?
Face à tant d’inepties qui font injure à l’Homme, certains sont tentés par l’extrême : Simplement ne plus consommer de viande, voire, supprimer tout produit d’origine animale de notre assiette. Une telle motivation relève le plus souvent du pragmatisme (Notre corps n’en a pas besoin, la consommation de viande serait malsaine), parfois, d’une philosophie liée à la non violence (Tuer un animal serait un acte indigne de l’être humain) et dans l’extrême, à une idéologie selon laquelle l’animal domestiqué serait une hérésie, qu’il faut relâcher dans la nature toutes nos poules et tous nos veaux, ne plus tirer profit de l’esclavagisme de la poule en lui dérobant son œuf, de la vache en lui tirant son lait... Ces idées génèrent forcément des débats qui amplifieront à la mesure de
l’urgence alimentaire et de la surpopulation en mammifères (humains et autres bestioles...) de notre planète.
Dans l’aiguillon du mois de juin, nous tenterons d’imaginer notre territoire livré (sans pâture !) à un monde végan... ou à l’alternative d’un élevage non concentrationnaire, lié au sol et autonome, limitant les intrants au maximum... Entre cette joyeuse opposition... ça pourrait bien saigner... alors restons calmes et ne buvons que du sang... de la terre : du bon vin bio de la buvette du Martsi !
Nous ne bouderons pas le formidable essor que connaît l’agriculture biologique. C’est toujours ça de repris aux responsables de la ruine de nos sols, cette invisible extinction de milliers d’espèces de microorganismes à défaut desquels nous n’aurions pas grand-chose à nous mettre sous la dent. Longtemps et encore tenus en laisse par le lobby de l’agrochimie, les politiques sont bien obligés d’entendre la sonnette d’alarme du corps scientifique : Le constat est sans appel. La disparition en masse de la base de notre chaîne alimentaire menace directement son sommet : l’Homme. Produire peut-être moins, mais indiscutablement mieux, tel est le challenge en cours pour le monde paysan.
Mais « mieux », ça veut dire quoi ? Le label AB (agriculture biologique) est délivré sous condition de respect d’un cahier des charges. Il garantit l’absence d’emploi de pesticides de synthèse, ce qui ne veut pas dire que le produit final n’en contienne pas (obligation de moyens, pas de résultat). Un
champ de poireaux bio situé en bordure d’un axe routier, sous le vent d’une industrie polluante et voisin d’un agriculteur cultivant des OGM produira des poireaux certifiés bio. Si ces poireaux sont cultivés aux Pays-Bas et commercialisés à Nice, ils auront en outre parcouru plus de 1000km sur
autoroute, avec force énergie fossile.
Ces mêmes poireaux que nous cultivons dans nos terres du Brionnais, en bordure de prés et de bois, et consommons sitôt leur achat sur le marché de producteurs du coin, n’ont pas la même composition biochimique et leur bilan carbone est nettement moindre car ils n’ont pas « voyagé ».
Que dire alors des concombres bio sous film plastique produits au Sénégal dans de gigantesques serres, lesquelles sont irriguées sans mesure avec l’eau du fleuve ? Ce légume que l’on trouve en plein hiver dans les grandes surfaces est labellisé « AB », pourtant, quel rapport avec le concombre produit en été et en plein air dans notre jardin, consommé une heure après sa cueillette, accompagné d’une feuille de persil et d’un brin de ciboulette ?
Alors si l’on considère un plat cuisiné bio contenant des ingrédients venus des 4 coins de la planète, ensaché sous vide avec cartonette en quadricolor, là on explose le compteur carbone...
Espagne, Pays-Bas, Turquie, Israël, Chili, Nouvelle-Zélande... toujours plus loin, à contre saison... et même par avion ! Nous le voyons, la qualité d’un produit alimentaire ne dépend pas uniquement de son label, aussi sérieux soit-il. Si nous voulons diminuer notre empreinte écologique, consommer bio, certes, mais le plus local possible, c’est pas mal aussi. Alors martsi beaucoup aux organisateurs de petits marchés paysans... et à ceux qui les fréquentent!
Propositions à suivre:
- De saison ? ... de raison !
- Into the wild : mettez du sauvage dans votre assiette !
- Salades : dites le avec des fleurs
- To be or not too beef... tous vegans ?