Aiguillon n°4 : Du bon usage du bocage (suite et fin)

Nous avons vu que le bocage permet l’élevage de ruminants dans des conditions optimales de bienêtre animal et de qualité des produits… mais pas que :

La naissance du bocage en Europe occidentale remonte au MoyenAge : sans fil barbelé ni clôture électrique, la haie permettait de contenir le bétail et protéger les cultures. A cette époque et jusqu’au milieu du siècle dernier, la haie était essartée à l’aide d’un outil tranchant à manche (le « goyard » en patois brionnais) : tressée pour la rendre opaque au passage animal.

Mille ans plus tard, malgré sa destruction dans la plupart des campagnes françaises, le bocage subsiste encore dans certaines zones où domine l’élevage des ruminants, dont la nôtre : Le Brionnais.

Ses multiples avantages méritent qu’on y jette un œil… excusez du peu :

  • L’enracinement profond des arbres permet de remonter en surface des substances minérales nutritives inaccessibles aux seules herbacées de nos cultures et prairies, lesquelles seront assimilées par nos végétaux, puis par l’animal, afin de nous fournir des aliments naturellement équilibrés.
  • La haie bocagère joue un rôle primordial dans la régulation de l’hydrologie : Elle stoppe le ravinement lors de pluies brutales, les arbres pompent l’excès d’eau du sol et en restituent une partie sous forme de fraîcheur ombragée en période sèche.
  • Le bocage permet d’atténuer les méfaits du vent : Une haie protège en longueur l’équivalent de 10 fois sa hauteur : 2,50m de haut protègent notre jardin sur 25m de large… du sec, du froid, de la verse. En l’occurrence, elle offre un abri pour les troupeaux qui ont la chance de bénéficier d’un élevage en pleinair.
  • Le bocage constitue un extraordinaire réservoir de biodiversité : De l’infime champignon à l’oiseau et au mammifère, en passant par les vers, les insectes, les gastéropodes et autres batraciens, la haie fournit notamment quantité de prédateurs de nos prétendus « nuisibles », ces bébêtes qui gènent le paysan lorsqu’elle prolifèrent. Ce rôle de régulation est essentiel pour qui souhaite s’affranchir des produits « phyto » qui n’ont de « sanitaire » que le nom. Citons le renard, la buse et la chouette pour limiter la redoutable fertilité du campagnol terrestre (rat taupier).
  • Les arbres fournissent du bois de chauffage, du BRF (Bois raméal fragmenté), des plaquettes, des fruits lorsqu’un sage s’est donné la peine de greffer, et de la feuille (En période de sécheresse, la feuille de frêne constitue un riche palliatif alimentaire pour le bétail amaigri)
  • A l’instar de la forêt et de la prairie, la haie bocagère est un important piège à carbone. En tant que tel, elle contribue à contenir le réchauffement climatique.
  • Enfin, le bocage a une utilité esthétique, une vertu paysagère : à michemin entre l’écosystème de la steppe et celui de la forêt, il nous offre une multitude de lisières, ces zones frontières entre l’ombre et la lumière, le froid et le chaud, le connu et le mystérieux qui nous ravissent tant : Ecosystème symbole d’équilibre, non content de nourrir l’homme, il nourrit son âme.
  • Alors que du temps des « 30 Glorieuses » qui ont massacré nos campagnes l’agriculteur était subventionné pour arracher ses haies, la tendance actuelle est à l’agroforesterie. Pardonnonsnous ces décennies d’égarement : « Faire et défaire, c’est toujours travailler, il n’est jamais trop tard pour bien (re)faire » !

Autant de raisons qui ont motivé le dossier d’inscription du bocage du Brionnais au patrimoine de l’Humanité par le truchement de l’UNESCO …. Gageons que d’ici une ou deux décennies, le Martsi … aussi !

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