Christophe Wagner a acquis, il y a 5 ans, une ferme en mauvais état. Sur un coup de cœur, ce « Chti » a choisi la ferme de « l’Enfer » (en–fer, dont le minerai fut extrait autrefois, dixit le botaniste Gérard Ducerf qui a beaucoup herborisé en ce lieu pourvoyeur de plantes rares). L’éleveur ne regrette pas son implantation dans ce vallon : une biodiversité préservée, des herbes introuvables ailleurs, de l’eau en quantité. Christophe est un «bosseur» : il a retroussé ses manche pour restaurer la ferme où il élève une quinzaine de vaches Aubrac nourries exclusivement à l’herbe et au foin. Sa production étant certifiée bio, sans désherbant chimique, il était préoccupé par l’état d’abandon des prairies. Notre homme souhaitant contribuer à la sauvegarde d’espèces menacées (comme il l’a déjà fait dans le Morbihan avec la vache Bretonne Pie Noir), il a choisi d’élever quelques chèvres de la race dite du Massif Central, qui a failli disparaître dans les années 80. Rustique, adaptée au parcours en terrain difficile, l’animal possède de la bourre sous le poil et peut, de ce fait, supporter de forts écarts climatiques. Chaque année, l’éleveur emprunte un nouveau bouc de qualité pour améliorer la génétique. Après cinq générations en croisement d’absorption, le troupeau sera considéré de race pure. Sonnailles au collier, les chèvres circulent en liberté, le jardin et la cour de la ferme étant protégés. Si les « biques » lui permettent de produire quelques fromages « pur chèvre », Christophe profite également de leur aptitude à débroussailler. Elles participent efficacement à la suppression progressive des ronces, genêts, orties et autre prunelliers. Le paysan complète le travail, suivant son humeur, soit à la faux, au « goillard » ou à l’aide d’engins mécaniques. Sur les zones appauvries où la chaille (silex) affleure, suit un épandage épais mais localisé de fumier dont le compostage termine le travail : une herbe de qualité se réimplante, les vaches reviennent : le cycle de la prairie est rétabli. « Chèvres, vaches et bonhomme : en valorisant la synergie entre les compétences de ses habitants, la paysannerie redevient économe… respectueuse!»
Fabienne Croze